RÉSUMÉ
« Une danse d’intérieur naît de la rencontre entre un corps en mouvement, un habitat, celles et ceux qui y vivent. Tout y participe : nos regards, l’humeur du jour, les mesures de la pièce. On ne bouge pas les meubles car il n’y a pas besoin de place. Je viens sans costume ni musique. »
(Une danse d’intérieur s’adresse à une seule personne, une famille, rarement une assemblée. Elle a lieu dans des maisons individuelles, des chambres d’hôpitaux, des maisons de retraite, des bureaux, dans les recoins d’un jardin ou d’un local associatif.
Sa durée est variable : de 10 minutes à une heure suivie d’une discussion.
Elle est proposée gratuitement à celles et ceux qui m’accueillent. Ma rémunération dépend d’une structure de diffusion qui choisit les destinataires de ces danses en fonction des relations de voisinage qu’elle souhaite tisser.)
En 2016, après quelques années de développement d’une activité de chorégraphe, interprète et improvisatrice, Lotus Eddé Khouri initie le dispositif radical de ce qui deviendra l’un de ses pôles d’implication privilégiés pour les années qui suivront : la Danse d’intérieur.
Issue d’une pratique soutenue et éminemment intime (le domicile comme lieu d’expérimentation et de répétition, avec la solitude et les contraintes d’espace afférentes), les danses d’intérieur se sont donc d’abord établies comme un déplacement de cette intimité (de la sienne propre à celle d’inconnus), autant que comme moyen de ne pas épuiser ce rapport spécifique à la danse, mais au contraire de le questionner, de l’endurer, de le façonner, et d’en expérimenter plus avant les usages possibles.
Après chaque intervention, Lotus Eddé Khouri a réalisé un relevé écrit et dessiné révélant ou interrogeant un ou plusieurs aspects de la situation inédite construite selon les contraintes et ouvertures spécifiques du lieu et du public impliqués.
Le systématisme répétitif de ce protocole fait alors émerger, via l’accumulation, le hasard des circonstances, et la variation des modalités d’attention que l’artiste porte aux contingences, un panorama remarquablement dense de réflexions et de témoignages sensibles centrés sur la pratique artistique en tant que telle, mais tout autant sur sa part sociale, riche d’interpénétrations.
Danses d’intérieur témoigne ainsi, au plus près, de ce qu’engage l’exposition sans filet devant un public dont l’intérêt préalable n’est jamais acquis. Misant sur une attention affûtée à chaque détail, c’est autant sur l’intensité d’une prise de risque continue que via l’ancrage sur les altérités en présence que repose la puissance éminemment singulière de cette pratique.
L’adjonction d’une performance filmée, tentative de transposition de cette somme d’expériences dans le cadre du studio, achève d’inscrire l’ouvrage dans une perspective réflexive plurielle, où le corps aura travaillé avec le texte et la parole (celle de l’artiste, celle du public), autant que le dessin se sera élaboré avec les lieux et le mouvement.