RÉSUMÉ
La littérature est un secret, un mystère. Le récit de Wagner Schwartz reconduit cette surprise et, plus encore, d’une façon renouvelée, construit une histoire au sens fort du terme — celle d’Adeline —, qui perturbe et fascine par un système de révélations et de silences. Et c’est cela qui nous interpelle, cette façon de retenir l’information romanesque, de faire de ces creux, de ces absences, de ces blancs, un élément narratif.
Le personnage d’Adeline est pourtant puissamment présent à travers les relations qu’elle entretient avec son entourage : le café où elle travaille, l’amie qu’elle fréquente, l’amant. Cette relation avec le monde tisse littéralement un écheveau qui dessine une personnalité.
Ce qui saute aux yeux dans ce récit — et cette fois l’expression est absolument justifiée —, c’est d’abord l’inscription même du texte dans la page, le vide autour du texte. Cela n’est pas un simple dispositif éditorial, mais bien une intention d’écriture, comme si l’auteur écrivait aussi avec le vide. Le personnage lui-même est inscrit dans le monde de la même manière, par ce qu’il refuse d’expliquer, de dire, de raconter. Adeline revient souvent sur ce besoin, ou cette volonté farouche de garder pour elle certains éléments du récit. C’est par ce procédé que le lecteur entre dans le roman, il suppose, invente, reconstitue. C’est tout ce qui anime le rite littéraire en jeu : le manque, la résonance, l’espace partagé entre le lecteur et le personnage, l’échange. L’émotion s’installe, se creuse comme le silence sur un visage en sculpte les traits.
On saisit progressivement les enjeux, les forces de tensions — le travail et ses obligations, l’amour et ses déceptions, l’amitié, la maternité. Tout circule, tout fait sens, le mot et ce qui le suit : le blanc. Comme une vibration, un trouble, une empathie inexplicable, un lien entre les êtres, un lien tragique au sens premier, un lien qui contient tout le tissu des vies.
Jamais ensemble mais en même temps, dit le titre. Cet énoncé parabolique dévoile et précise l’approche de l’auteur : rendre compte du paradoxe de toute humanité, cette séparation originelle et pourtant conjointe, simultanée des existences.
Adeline est une figure familière, une figure de nous-même, un reflet complexe. Elle est partagée entre son souci et son application consciencieuse à faire ce qu’elle a à faire et vivre sa vie. Et nous la suivons, nous la regardons, nous l’entendons, nous buvons ses paroles et acceptons ses refus.
Schwartz parvient à sa façon, avec son propre vocabulaire, sa manière profondément poétique, à convoquer un monde, à inaugurer un réseau d’images, de moments, de paroles. Et il trace un sillon nouveau, audacieux, qui, demeure après la lecture, suspendu en nous, une réussite du sens et de la ligne des destins.