SUMMARY
«Il s’agit de m’exprimer en profondeur sur la danse contemporaine que j’ai rencontrée et découverte sur mon passage. Une danse que j’ai adoptée et qui a façonné ma perception du monde et ma vie, mais aussi celle de nombre de jeunes créateurs de ma génération en Afrique. À l’image d’un guide ou d’un éclaireur, je mets mon expérience au service de cette jeune génération de danseurs et chorégraphes et vais à leur rencontre.» Salia Sanou portait le livre en lui. Le voulait. Le manuscrit est arrivé chez l’éditeur tout fini, ou presque, vibrant d’intensité et d’intelligence. C’est le livre d’une fierté qui remet les pendules à l’heure et fait taire bien des débats le plus souvent véhiculés par des «experts» n’ayant jamais mis les pieds en Afrique. Ou si peu ! Parlant de l’Afrique, comme si le continent avait échappé à la mondialisation. D’évidence, il fallait quelqu’un d’Afrique. Quelqu’un qui sache les contextes et les références de toutes ces démarches artistiques, expérimentales. Peut-on imaginer un livre, qui soit plus que celui-ci, un concentré de notre post-modernité, naviguant en un mouvement incessant entre Afrique et Europe et continent américain ? De ses études pour devenir commissaire de police à la rencontre avec la chorégraphe française Mathilde Monnier, l’auteur se lance sans filet. Dans le miroir que Salia Sanou tend à lui-même, c’est toute l’Afrique qui se reflète. Qui vit, exposant ses maux, des guerres civiles jusqu’aux famines actuelles (au village de Léguéma, une centaine de personnes vit de la réussite de l’enfant du pays). Le chorégraphe apporte ici un livre qui ne s’appesantit plus dans les débats périmés. Il n’est ni traité d’exotisme, ni essai sur les évolutions et les ramifications entre danses africaines et danses noires américaines. Même si ces thèmes sont à un moment ou à un autre abordés, ils sont pris dans une pâte en train de lever. Dans ce livre, le passé s’enroule dans le présent et le futur proche, selon une conception du temps qui ouvre les perspectives et souligne l’intelligence dialectique d’artistes en pleine création, intimement mêlés au développement de leurs pays, tout en étant confrontés au jugement des Occidentaux qui les financent. Une adaptabilité à comprendre le monde dans ses différences que bien des compagnies européennes, plus fortunées, pourraient leur envier. Éclairant. Est-ce parce que le mouvement est jeune ? Rien ne semble impossible à ces artistes. Et c’est de cette énergie-là que témoigne Salia Sanou. Son parcours, de Léguéma à aujourd’hui, si singulier, renvoie pourtant à la réalité multiple de la danse que pratiquent les chorégraphes d’origine africaine. Ce parcours, écrit tantôt comme une autobiographie, tantôt comme une analyse, vibre d’un style oratoire, imagé, drôle, plein d’amour aussi, celui du conteur, probablement hérité de son grand-père Baba Sourô. C’est un livre de combat porté par un chorégraphe-poète. Qui construit sa phrase en suivant le rythme du tangwana, fameux tambour de son enfance qu’il dit «entendre battre derrière chaque musique, qu’il s’agisse de Bach ou d’électro-funk». Dominique Frétard