RÉSUMÉ
Dès ses premières œuvres, disons La trève(s) (2004), critique aussi décomplexée que déjantée d’une certaine vie à la lumière de la télé, Thomas Lebrun déroute le milieu chorégraphique qui n’aime rien tant que les catégories bien claires pour bien ranger les artistes. Or, Thomas Lebrun déborde, passe les bornes et met un soin méticuleux autant qu’aléatoire à ne jamais répondre aux injonctions. À peine a-t-il satisfait la tendance actuelle à interroger les formes de danses sociales, posant un regard ironique et tendre sur la faune des discothèques avec Les rois de la piste (2016) que la doxa se rue sur l’opus pour en souligner combien, dans la lignée des fameuses Soirées What You Want (2006) du même trublion, il pose de questions à la musique populaire et à son usage… Ce qui réjouit la critique, ravie que ses catégories s’appliquent et que Thomas Lebrun appartienne au genre populaire et rigolo ! Donc, immédiatement, le même Thomas Lebrun crée sur une partition de Philip Glass : Another look at memory (2017), formidable composition chorégraphique qui, à partir d’un travail sur la sédimentation du geste dans le corps des interprètes, recompose l’espace à partir de ces mêmes corps… Le genre de contrepied stylistique pas possible ! Lui répond en substance qu’entre ses raffinements et ses plaisanteries, il n’y a pas à choisir ! Parce que choisir, c’est se restreindre et parce que c’est comme cela… C’est ainsi que Thomas Lebrun développe l’une des œuvres les plus passionnantes de la danse d’aujourd’hui parce qu’à la fois d’une qualité de texture gestuelle rare et d’un humour théâtralisé autant que potache délicieux et précieux. Une œuvre qui se nourrit savamment de culture populaire, rit des préciosités savantes et mérite d’autant plus l’analyse.